Cour de justice de l’Union européenne
COMMUNIQUE DE PRESSE n° 113/12
Luxembourg, le 6 septembre 2012
Arrêt dans l'affaire C-190/11
Daniela Mühlleitner / Ahmad Yusufi, Wadat Yusufi
La possibilité pour un consommateur d’assigner un commerçant étranger devant les juridictions nationales ne présuppose pas que le contrat litigieux ait été conclu à distance
Dès lors, le fait que le consommateur se soit rendu dans l’État membre du commerçant poursigner le contrat n’exclut pas la compétence des juridictions de l’État membre du consommateur
Le droit de l’Union (1) vise à protéger le consommateur, en tant que partie contractante la plus faible, dans les litiges transfrontaliers, en lui facilitant l’accès à la justice notamment par une proximité géographique avec la juridiction compétente. Ainsi, le consommateur peut assigner devant les tribunaux nationaux le commerçant avec lequel il a conclu un contrat, même si ce commerçant est domicilié dans un autre État membre, et ce, sous deux conditions : premièrement, le commerçant doit exercer ses activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre où réside le consommateur ou, diriger par tout moyen (par exemple par Internet) ses activités vers cet État (2), membre, et deuxièmement, le contrat sur lequel porte le litige doit relever de ces activités.
L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) demande à la Cour de justice si la possibilité de saisir les juridictions nationales suppose par ailleurs que le contrat entre le consommateur et le professionnel ait été conclu à distance.
La Cour suprême est saisie, en dernier ressort, d’un recours introduit devant les juridictions autrichiennes par Mme Mühlleitner, qui réside en Autriche, contre l’Autohaus Yusufi, commerce situé à Hambourg (Allemagne), spécialisé dans la vente de voitures. Par ce recours, Mme Mühlleitner demande la résolution du contrat de vente du véhicule qu’elle a acheté auprès de l’Autohaus Yusufi pour ses besoins privés. Mme Mühlleitner est parvenue sur l’offre de l’Autohaus Yusufi grâce à ses recherches réalisées sur Internet. Toutefois, pour signer le contrat d’achat et réceptionner la voiture, elle s’est rendue à Hambourg. De retour en Autriche, elle a découvert que le véhicule était affecté de vices substantiels. MM. Yusufi ayant refusé de réparer la voiture, Mme Mühlleitner a introduit un recours devant les juridictions autrichiennes dont ils contestent la compétence internationale. Or, la Cour suprême considère que leurs activités commerciales étaient bien dirigées (3) vers l’Autriche parce que leur site Internet était accessible dans cet État, et qu’il y a eu des contacts à distance (téléphone, courriels) entre les parties contractantes. Toutefois, elle se demande si la compétence des juridictions autrichiennes ne présuppose pas que le contrat ait été conclu à distance.
Par son arrêt de ce jour, la Cour répond que la possibilité pour un consommateur d’assigner, devant les juridictions de son État membre, un commerçant domicilié dans un autre État membre n’est pas subordonnée à la condition que le contrat ait été conclu à distance.
Si la réglementation européenne exigeait jusqu’en 2002 (4) que le consommateur devait avoir accompli dans l’État membre de son domicile les actes nécessaires à la conclusion du contrat (5), la réglementation actuelle (1) ne contient plus une telle condition. Par cette modification, le législateur de l’Union a entendu assurer une meilleure protection des consommateurs.
La condition essentielle à laquelle est subordonnée l’application de cette règle est celle liée à l’activité commerciale ou professionnelle dirigée vers l’État du domicile du consommateur. À cet égard, tant la prise de contact à distance, que la réservation d’un bien ou d’un service à distance ou, a fortiori, la conclusion d’un contrat de consommation à distance sont des indices de rattachement du contrat à une telle activité.
Dès lors,
- si le commerçant domicilié dans un autre État membre exerce ses activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre du domicile du consommateur ou, dirige par tout moyen ses activités vers cet État membre(6)
- si le contrat litigieux entre dans le cadre de telles activités, le consommateur peut assigner, devant les juridictions de son propre État membre, ce commerçant, même si le contrat n’a pas été conclu à distance du fait qu’il a été signé dans l’État membre du commerçant.
(1) Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 12, p. 1, dit « règlement Bruxelles I »).
(2) Ou vers plusieurs États, dont cet État membre.
(3) Voir, pour cette condition, l’arrêt de la Cour du 7 décembre 2010, Pammer et Hotel Alpenhof (C-585/08 et C-144/09), voir aussi CP n° 118/10).
(4) Le règlement n° 44/2001, est entré en vigueur le 1 mars 2002.
(5) Voir la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention.
(6) Ou vers plusieurs États, dont cet État membre.