Cour de justice de l’Union européenne
COMMUNIQUE DE PRESSE n° 43/16
Luxembourg, le 21 avril 2016
Arrêt dans l'affaire C-377/14
La Cour constate que l’obligation du juge national d’examiner d’office le respect des règles du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs s’applique aux procédures d’insolvabilité
En vertu de cette obligation, le juge national est également tenu de vérifier si les informations devant être mentionnées dans les contrats de crédit à la consommation ont été indiquées de façon claire et concise
En août 2011, les époux Radlinger ont souscrit, auprès de la société Smart Hypo, un crédit à la consommation d’un montant de 1 170 000 couronnes tchèques (CZK) (environ 43 300 euros). Ils se sont engagés à rembourser au créditeur 2 958 000 CZK (environ 109 500 euros) en 120 mensualités (le TAEG (1) du crédit s’élevant à 28,9 %) et à lui payer des pénalités importantes dans le cas où ils ne parviendraient pas à respecter leurs obligations contractuelles.
En septembre 2011, la société Finway, à laquelle Smart Hypo avait cédé les créances qu’elle détenait à l’égard des époux Radlinger, a invité ceux-ci à lui rembourser sans délai l’ensemble de la dette, y compris les intérêts, les frais et les pénalités. Cette démarche a été motivée par la circonstance que, lors de la conclusion du contrat, les époux ne l’avaient pas informée d’une saisie ordonnée sur leurs biens pour un montant de 4 285 CZK (environ 160 euros).
En avril 2013, le Krajský soud v Praze (cour régionale de Prague, République tchèque) a déclaré les époux Radlinger insolvables et a ouvert une procédure d’insolvabilité à leur encontre. Dans le cadre de cette procédure, le couple a contesté le montant exigé par Finway (4 405 531 CZK, soit environ 163 000 euros).
Dans ce contexte, le Krajský soud v Praze demande à la Cour de justice si les règles du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs s’opposent à la législation tchèque, qui ne permet pas au juge, appelé à statuer sur l’insolvabilité, d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle stipulée dans un contrat de consommation. La juridiction tchèque souhaite par ailleurs savoir si le juge national est tenu de vérifier d’office si les informations relatives aux contrats de crédit à la consommation et devant être mentionnées dans ceux-ci ont été indiquées de façon claire et concise.
Par son arrêt rendu ce jour, la Cour constate que l’obligation du juge national d’examiner d’office le respect, par les professionnels, des règles du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs (2) s’applique aux procédures d’insolvabilité et vaut également pour les règles concernant les contrats de crédit à la consommation.
Ainsi, la Cour déclare que la directive sur les clauses abusives (3) s’oppose à la réglementation tchèque qui, dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, ne permet pas au juge de procéder à l’examen du caractère abusif d’une clause stipulée dans un contrat de consommation alors même qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Cette même directive s’oppose encore à la réglementation en cause en ce qu’elle permet uniquement de contester certaines créances pour un nombre de motifs limités (prescription ou extinction).
En outre, la Cour relève que, en vertu de la directive sur les contrats de crédit aux consommateurs (4) , un juge national saisi d’un litige relatif à des créances provenant d’un tel contrat doit également examiner d’office si les informations relatives au crédit (comme le TAEG par exemple) et devant être mentionnées dans celui-ci ont été indiquées de façon claire et concise. Il est par la suite tenu de tirer toutes les conséquences découlant de la violation de l’obligation d’information selon son droit national (les sanctions doivent avoir un caractère effectif, proportionné et dissuasif).
Par ailleurs, la Cour précise que, en vertu de cette dernière directive, le « montant total du crédit » ne peut inclure aucune des sommes entrant dans le « coût total du crédit », à savoir des sommes destinées à honorer les engagements convenus au titre du crédit concerné, tels que les frais administratifs, les intérêts, les commissions et tout autre type de frais dont le consommateur est tenu de s’acquitter. L’inclusion irrégulière de ces sommes dans le montant total du crédit a pour effet de sous-évaluer le TAEG, dont le calcul dépend du montant total du crédit, et d’affecter par conséquent l’exactitude des informations devant être mentionnées dans le contrat.
Enfin, s’agissant de l’examen du caractère abusif des pénalités imposées au consommateur défaillant, la Cour relève que le juge national est tenu d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses du contrat et, dans le cas où il constate le caractère abusif de plusieurs de ces clauses, d’écarter toutes celles qui sont abusives (et non pas seulement certaines d’entre elles).
Notes
1 Taux annuel effectif global.
2 L’existence d’une telle obligation a déjà été reconnue par la Cour en ce qui concerne certaines dispositions du droit de l’Union applicables dans le domaine des clauses abusives stipulées dans les contrats de consommation, des contrats négociés en dehors des établissements commerciaux et de la vente et des garanties des biens de consommation.
3 Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).
4 Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO L 133, p. 66, et rectificatifs JO 2009, L 207, p. 14,
JO 2010, L 199, p. 40, JO 2011, L 234, p. 46 et JO 2015 L 36, p. 15).
Pour lire ou télécharger le texte intégral de la décision : http://curia.europa.eu/juris/documents.jsf?num=C-377/14