METTRE EN CAUSE LA RESPONSABILITÉ DU SYNDIC
Seul le syndicat peut engager une action en responsabilité contractuelle à l’encontre du syndic en revanche les copropriétaires ou les tiers peuvent engager des actions personnelles en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle. (C.civ 1240 et S)
Une même faute du syndic peut être contractuelle vis-à-vis du syndicat et délictuelle vis-à-vis d’un copropriétaire ou d’un tiers.
Le syndic est seul responsable d’une faute commise dans l’accomplissant un acte excédant ses pouvoirs ou pour lequel il n’a pas reçu mandat.
A - Action du syndicat contre le syndic
Il faut savoir que le syndic en tant que mandataire, n’a contracté qu’une obligation de moyens vis-à-vis du syndicat. Il n’a pas d’obligation de résultat (Article 1992 du Code civil)
Avant toute action il est prudent d’évaluer l’intérêt de la procédure envisagée. Pour cette évaluation il faut savoir qu’il n’y a jamais de dommages et intérêts « punitifs ». Que seul le préjudice réel pourra être indemnisé sous réserve qu’il y ait faute du syndic, que cette faute soit génératrice du préjudice et que ce préjudice soit évaluable et justifiable.
Il y a deux préalables à toute action du syndicat contre le syndic
- Ne pas avoir voté le quitus pour la période des faits qui sont l’objet de l’action ou que ces faits n’aient pas été connus de l’assemblée au moment du vote du quitus (il faudra le prouver)
- Qu’il y ait faute du syndic et que cette faute ait généré un préjudice pour le syndicat qui aura l’obligation de caractériser des manquements à des obligations expresses du mandat. (C. cas. 3° civ. 15 mai 2002 n° 00-1946)
Le syndicat peut soit dans le domaine contractuel ou dans celui du mandat, engager une action en réparation de fautes lui ayant créé un préjudice direct.
Mais vis-à-vis des copropriétaires ou des tiers, si le syndic a commis des fautes dans la limite de son mandat, c’est le syndicat qui répond de ces fautes qui ont pu porter préjudice à ces copropriétaires ou ces tiers (Cass. 3° civ 17 juillet 1990). L’action du syndicat contre le syndic sera alors une action récursoire visant à obtenir le remboursement de ce que le syndicat a payé pour des actions fautives du syndic.
En revanche le syndic ne pourra voir sa responsabilité engagée si la faute ou la négligence est due au comportement des copropriétaires (défaut de paiement des charges et provisions….), aux décisions de l’assemblée (refus de voter des travaux, choix d’une entreprise incompétente….)
Quels manquements invoquer ?
- Excès de pouvoir ou accomplissant un acte pour lequel il n’a pas reçu mandat. Par exemple s’il donne son accord à un copropriétaire d’effectuer des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble (TGI Nanterre, 12 mai 1995 : Rev. loyers 1996, p. 348).
- Négligence ou inobservation des règlements dans l’entretien de l’immeuble ou de ses aménagements et accessoires (exemple type le défaut d’entretien).
- Négligence ou violation des règles concernant le statut de la copropriété dans l’administration générale de l’immeuble, travaux irrégulièrement commandés, négligence dans la gestion ou dans le recouvrement des charges de copropriété, exercice abusif des actions en justice.
- Négligence dans son rôle d’agent officiel de la collectivité chargé de faire respecter le règlement de copropriété ou les décisions d’assemblée générale.
Comment procéder
Le syndic en exercice, par la combinaison des articles 15 et 18 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965, bénéficie d’une exclusivité de représentation du syndicat en justice. (voir aussi Cass. civ. 3e ch., 4 novembre 2009, n° 07-17618) Ni la loi ni la réglementation ne prévoient expressément, dans un tel cas, la nomination d’un administrateur judiciaire ou d’un mandataire ad hoc. Ce sera donc au syndic mandataire d’assigner son propre cabinet.
Pour assigner un syndic en responsabilité la meilleure solution est :
- La nomination d’un nouveau syndic soit à l’assemblée annuelle, soit après révocation lors d’une assemblée spéciale.
- Le vote d’une résolution autorisant le syndic (sans précision) à engager une procédure contre le cabinet (nommé) ayant exercé les fonctions de syndic du syndicat du…. Au…., son assureur RC et éventuellement contre sa caution et précisant
- L’action à engager
- Les griefs
- la nomination d’un avocat de préférence par l’assemblée avec une convention d’honoraires (à défaut avec délégation de nomination du conseil syndical).
La procédure consistera à faire convoquer une assemblée par le syndic sur un ordre du jour qui contiendra la résolution de procédure contre lui-même, sans oublier son assureur RC et /ou sa caution ainsi que de préférence une résolution de nomination d’un nouveau syndic éventuellement après une résolution de révocation de l’actuel.
La situation étant ambiguë, il sera bon pour le conseil syndical, avant de provoquer la convocation de l’AG, d’avoir rencontré l’avocat, avoir son consentement, avoir obtenu une convention d’honoraires que l’assemblée devra aussi accepter et obtenu ses conseils sur la rédaction de la résolution d’action judiciaire.
Pour la convocation de l’assemblée soit le syndic coopère et convoque en collaboration avec le conseil syndical soit il rechigne ou refuse et le président du conseil syndical doit alors le mettre en demeure de convoquer à la date, au lieu et sur l’ordre du jour qu’il aura été décidé par le conseil il faudra joindre les documents annexes comme la convention d’honoraires.
A défaut pour le syndic d’obtempérer le président du conseil syndical peut convoquer l’assemblée en lieu et place du syndic puis en lui notifiant la convocation.
Dans tous les cas il faudra nommer un autre secrétaire de séance que le syndic pour que le PV ne soit pas "édulcoré", qu’il soit rédigé conformément à la loi pendant l’assemblée et signé à la fin de celle-ci
L’assemblée pourra valablement délibérer même en l’absence du syndic. Celui-ci n’a aucun moyen légal d’imposer ensuite une rédaction du PV, de contester l’assemblée ou l’une de ses résolutions.
À défaut de nomination d’un nouveau syndic
C’est une situation exceptionnelle et à mon avis très théorique. En effet si l’on engage la responsabilité du syndic c’est qu’il a commis une faute en tant que mandataire du syndicat.
La première sanction contre le syndic est de le remplacer.
Il serait peu crédible pour une assemblée de renouveler le mandat du syndic ou de refuser de le révoquer puis de voter une procédure judiciaire contre lui. En revanche la solution serait possible pour un syndic admettant sa faute par exemple non-recouvrement des charges dues au moment de la vente pour défaut d’opposition ou opposition irrégulière ou encore une condamnation "sociale" au Prud’homme confirmée en appel et ce afin de pouvoir faire intervenir une indemnisation par son assureur RC.
Dans ce cas il faut reprendre la procédure précédente avec décision d’assemblée d’action judiciaire contre le syndic et de nomination d’avocat.
Il peut être aussi envisagé d’appliquer l’article 18 de la loi « En cas d’empêchement du syndic pour quelque cause que ce soit ou en cas de carence de sa part à exercer les droits et actions du syndicat et à défaut de stipulation du règlement de copropriété, un administrateur provisoire peut être désigné par décision de justice. » soit en considérant que le syndic au regard du conflit d’intérêts existant par cette obligation d’engager une action contre lui-même est dans un état d’empêchement ou en n’appliquant pas la décision de l’assemblée en état de carence. Le juge saisi (sur requête ou référé) pourra alors nommer un administrateur judiciaire (Article 49 du décret) sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une décision d’assemblée préalable concernant la nomination de cet administrateur.
Par une décision récente, la Cour de cassation (Cass. civ. 3e ch., 4 novembre 2009, n° 07-17618) a assoupli sa jurisprudence et ouvre aux copropriétaires la possibilité d’assigner leur syndic de manière relativement simple. Au cours d’une assemblée générale, des copropriétaires mandatent l’un d’eux pour réclamer en justice, au nom de la copropriété, la réparation des fautes commises par le syndic. Bien qu’irrégulière, la Cour de cassation admet cependant possible la régularisation de la procédure par le nouveau syndic de la copropriété, dûment habilité par les copropriétaires, qui déclare au tribunal reprendre l’action précédemment engagée au nom du syndicat.
Mais cette jurisprudence suppose qu’un nouveau syndic régulièrement nommé et mandaté pour engager la procédure, soit lors de la même assemblée, soit par une assemblée postérieure qui régularise la procédure.
A partir du 1° juin 2020
En application de l’ordonnance 2019-1101 du 30 octobre 2019 l’article 15 de la loi dispose qu’à partir du du 1°juin 2020 : « En cas de carence ou d'inaction du syndic, le président du conseil syndical peut également, sur délégation expresse de l'assemblée générale, exercer une action contre le syndic, en réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires. Lorsque la copropriété n'a pas de conseil syndical, cette action peut être exercée par un ou plusieurs copropriétaires représentant au moins un quart des voix de tous les copropriétaires ».
Il faudra donc demander au syndic en exercice de porter à l’ordre du jour de la prochaine assemblée la délégation d’agir à son encontre au profit du président du conseil syndical ou des copropriétaires
Attention Une assemblée générale ne peut valablement habiliter le syndic à agir en justice sous réserve de l’accord préalable du conseil syndical. En effet la Cour de cassation estime que l’accord préalable du conseil syndical ajoute une condition qui est contraire aux dispositions de l’article 55 du décret du 17 mars 1967, le syndic ne pouvant être habilité que par l’assemblée générale, sans aucune restriction. (C. cass. 3° civ, 4/12/2002, N° 00-18022)
B- Action d’un copropriétaire contre le syndic
Action en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle (articles 1240 et suivants du Code civil)
La responsabilité particulière du syndic vis-à-vis des copropriétaires peut être engagée par un copropriétaire ou un tiers sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle prévue par les articles 1240et 1241 du Code civil, notamment dans le cas où le syndic a commis une faute en excédant ses pouvoirs ou son mandat.
L’engagement de la responsabilité du syndic nécessite :
- qu’il y ait faute caractérisée du syndic, et non simplement « erreur ou déficience de gestion ».
- qu’il y ait préjudice personnel subit par le copropriétaire
- qu’il y ait un lien de causalité directe entre la faute et le préjudice.
Il sera bon d’engager l’action conjointement contre le syndic et son assureur pour que le jugement soit opposable à celui-ci.
Dépassement du budget des travaux voté
Au visa des articles 18 de la loi 65-557 du 10/07/65 et de l’article 1240 du Code civil, le syndic est responsable, à l’égard des copropriétaires, sur le fondement quasi délictuel, de la faute qu’il a commise dans l’accomplissement de sa mission.
Un copropriétaire et fondé à réclamer au syndic, à titre des dommages et intérêts, sa quote-part de la différence entre le montant des travaux payés par le syndic et celui voté par l’assemblée générale. (C. cass. 3° civ., du 07/02/2012, n° 11-11051)
Responsabilité contractuelle du syndic
En dehors du contrat de syndic liant le syndic au syndicat, celui-ci peut contracter avec un copropriétaire par exemple surveillance de travaux après un sinistre, gestion de la location d’un lot,…
Dans ce cas il n’agit pas en tant que syndic mais en tant que prestataire de service lié à son client par un contrat de mandat ou d’entreprise. Bien qu’il s’agisse en fait d’un copropriétaire et du syndic du syndicat les litiges nés de ce contrat n’ont aucun rapport avec le statut de la copropriété. Le syndicat doit néanmoins être vigilent sur un éventuel conflit d’intérêts entre les intérêts du syndicat et ceux du copropriétaire contractant, le syndic pouvant être amené à défendre des intérêts antagonistes.
C - Prescription
Les actions à engager par un copropriétaire ou par le syndicat contre le syndic se prescrivent par 5 ans « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » au titre des dispositions de l’article 2224 du Code civil.
Pour les syndics exerçant une activité commerciale ou sous la forme d’une société, il n’y a plus à se poser la question de l’application de l’article L 110-4 du Code de commerce puisque le délai de prescription de 5 ans est identique.
La prescription quinquennale du 1° alinéa de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ne concerne que les actions « entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat »