LES CHARGES LOCATIVES RÉCUPÉRABLES
A-Principe de la récupération des charges sur le locataire :
Selon l’article 23 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, les charges récupérables sont les sommes accessoires au loyer principal, elles sont exigibles sur justification en contrepartie de services rendus, des dépenses d’entretien courant et des menues réparations sur les éléments d'usage commun de la chose louée, des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement
Si les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions, elles doivent, en ce cas, faire l'objet d'une régularisation annuelle. Les demandes de provisions doivent être justifiées par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l'immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel.
Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires. Durant un mois à compter de l'envoi de ce décompte, les pièces justificatives sont tenues à la disposition des locataires.
B-Quelles sont les charges récupérables sur le locataire :
Charges forfaitaires
La Cour de cassation considère que la notion de contrepartie impose la répartition des charges sur une base réelle. Une clause d’évaluation forfaitaire des charges est en conséquence nulle (Cass. 3e civ., 20 déc. 1995, no 93-20123) la cour de cassation est suivie en cela par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 6e ch. B 25/03/1999),
Charges réelles
La liste exhaustive des charges récupérables sur le locataire est publiée à l’annexe du décret n°87-713 du 26 août 1987 dont la dernière mise à jour est du 09/01/2009. Cette interprétation stricte du texte, d’ordre public, a été rappelée dans plusieurs réponses ministérielles ( no 16593 : JOAN Q, 14 septembre 1998, page 5112, Réponse ministérielle no 29232 : Journal Officiel du Sénat Q, 11 janvier 2001, page 97) et par la jurisprudence Cour de cassation (C. cass. 3e chambre civile, 10 mars 1999, no 97-10499 et 3e chambre civile, 30 novembre 2005, no 04-14508).
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En revanche s’agissant d’un ordre public de protection comme l’a rappelé la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 9/12/1994), il n’est pas interdit au propriétaire de faire bénéficier son locataire de conditions plus avantageuses pour celui-ci.
Néanmoins l’article 23 de la loi institue des dérogations à ce principe; il peut y être dérogé par :
- Accords collectifs locaux portant sur l'amélioration de la sécurité ou la prise en compte du développement durable, conclus conformément à l'article 42 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986
- Application du Décret n° 2009-1439 du 23 novembre 2009 qui détermine dans quelles conditions et sur quelles modalités le locataire peut être amené à contribuer à l’économie réalisée par des travaux d’économie d’énergie
En matière locative, le bailleur doit donc établir la réalité et l'exigibilité des charges dont il réclame le paiement (C. cass. 3e chambre civile 20/12/1995, n+ 93-20123).
La jurisprudence admet que soient récupérables:
Les frais d'abonnement d'une ligne téléphonique mise à la disposition des locataire, même si cette mise à disposition n'est pas 24:24, sous r"serve que les locataires soient informés de cette mise à disposition (C. cass. 3° civ. 29/10/2008, n° 07-16082)
Les frais de détartrage des colonnes de chutes, des branchements eaux usées ou eau vannes et des frais de curage des collecteurs extérieurs (C. cass. 3° civ. 06/12/1995 n° 93-17250)
Le coùt des produits de désinsectisation et de désinfection des colonnes de vide-ordures (CA PARIS 13/05/1993, Loyer et copr. 1993 n° 290)
C - Quelles sont les charges non récupérables sur le locataire:
Frais de gestion divers
Le remboursement des frais de gérance de l'immeuble (T. civ. Seine, 20 oct. 1954 : Rev. loyers 1955.107)
Les honoraires de gestion relatifs aux prestations et fournitures individuelles (T. civ. Seine, 20 mars 1953 : Rev. loyers 1953.463)
Les primes d'assurance afférentes à l'immeuble (T. civ. Lille, 8 nov. 1960 )
Les frais de quittance et/ou d’avis d’échéance (établissement et envoi) (Art 4 « p » de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ; Question écrite JOAN SCHREINER 14/02/1994 p 805 n° 9919 ; Question écrite MONTEBOURG JOAN 18/11/2008p10001 n° 20725)
Gardien et employé d'immeuble
Au titre du « d» de l’article 2 du décret 82-955 du 9 novembre 1982 ne sont pas récupérables
- Le salaire en nature (logement, fourniture d'eau, d'électricité, de gaz)
- L'intéressement et la participation aux bénéfices de l'entreprise.
- Les indemnités et primes de départ à la retraite (et 3° civ 25/06/2008 ; n° 07-15598)
- Les indemnités de licenciement
- La cotisation à une mutuelle prise en charge par l'employeur ou par le comité d'entreprise.
- La participation de l'employeur au comité d'entreprise
- La participation de l'employeur à l'effort de construction ;
- La cotisation à la médecine du travail
Quotas de récupération (art 2 « d » décret 82-955 du 9 novembre 1982)
- 25% des salaires et charges restent à la charge du propriétaire si le gardien réalise cumulativement l’entretien de l’immeuble et l’élimination des rejets (75% récupérables)
- 60% des salaires et charges restent à la charge du propriétaire si le gardien ne réalise que l’entretien de l’immeuble ou que l’élimination des rejets (40% récupérables)
- 100% des salaires et charges restent à la charge du propriétaire si le gardien ne réalise ni l’entretien de l’immeuble ni l’élimination des rejets (0% récupérables)
- 100% des salaires et les charges des employés d’immeubles qui assurent l'entretien des parties communes à l’exception des éléments de rémunération non récupérables pour les gardiens (voir ci-dessus)( art 2 « e » décret 82-955 du 9 novembre 1982)
Au titre de la jurisprudence
La rémunération des gardiens qui n’interviennent pas directement pour assurer l'entretien des parties communes et l'élimination des rejets, ne peut être récupérée auprès des locataires.(C. cass. 3° civ. – 8/10/1997 ; N° 95-20113)
Les frais de mise en œuvre d'un service de surveillance de l'immeuble donné à bail la nuit et les samedis et dimanches (C. cass. 3e civ. – 19/03/2008. N° 07-10704)
Rejets
- Poubelles
Location des poubelles (C. cass. 3° civ du 5/10/1994, n° 92-11621 ; et 92-11622)
Les frais de location des poubelles et la rémunération du personnel chargé de leur désinfection (CA Lyon 6e ch., 19/11/2003, Loyers et Copropriété, juin 2004, no 103)
Le stockage et enlèvement des encombrants (C. cass. 3e civ. – 15/05/2008. N° 07-16567)
- Vide-ordures
Les frais de débouchage des vide-ordures (C. cass. 3° civ. 1/04/2003 N° 02-10172 ; C. cass. 3° civ 27/11/2002 N° 01-11130 ; 01-11131; 01-11132 et 01-11134; C. cass. 3e civ., 10/03/1999, N° 97-10499)
Les frais de personnel pour la désinfection et la désinsectisation des vide-ordures (C. cass. 3° civ. 10/03/1999, n°97-10499, RJDA 2/03 n°122 )
- Eaux usées – eaux vannes
Les frais de débouchage des égouts (C. cass. 3° civ. 3/04/ 2007 N° 06-12937)
Le dégorgement des canalisations (CA Paris 6e ch. B, 4/03/2004, AJDI, mai 2004, p. 382)
L'entretien d'une pompe de relevage des eaux usées (C cass 3° civ 18/12/2002, n° 01-12003)
Impôts et taxes
La taxe foncière (TI DUNKERQUE, 28/03/1984, revue loyer1984 p 485)
La "contribution sur les revenus locatifs" instituée à partir du 01/01/2001 est à la charge du seul bailleur (C. cass. 3e civ. – 19/09/2007. N° 06-16409)
Les frais de confection des rôles relatifs à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. (C. cass. 3° civ. 30/10/2002 ; N°01-10617 : RJDA1/03 n°13 ; C. cass. 3e civ. 24/03/2004. N° 01-14439 ; C. cass. 3° civ 30/06/2010 n° 09-15360)
La taxe des ordures ménagères si cette taxe n’est pas individualisée dans le budget communal (C. cass. 3° civ 10/06/1998, 96-20521 : RJDA 8-9/98 n°960)
Entretien des parties communes
Les travaux de nettoyage des graffitis ou les applications antigraffitis (C. cass. 3°civ, 17/07/1997, N° 95-18100 ; RJDA 11/97 n°1325)
Les ampoules et tubes d’éclairage des parties communes intérieures (Question écrite JOAN , 28/04/1985, p. 1961, INC Document J-252 du 12/06)
Les dégradations des parties communes (Question écrite JOAN., 13/03/1989, p. 1252)
Le remplacement ou la mise aux normes des boites aux lettres (Question écrite JOAN 13/01/1997)
Les frais de dératisation (C. cass. 3° civ. 29/01/2002 n° 99-17042 ; AJDI 2002 p 299)
Les frais de personnel réclamés par les bailleurs pour la désinfection, la désinsectisation et le débouchage des vide-ordures doivent être exclus des charges locatives (C. cass. 3e civ. 10/03/1999, no 97-10499 )
Chauffage – eau chaude
Les dépenses concernant la réalisation ou le gros entretien de l'installation de chauffage et d'eau chaude (C. cass. 3° civ. 09/03/2005 n° 01-18039 ; C. cass. 3° civ.03-13062)
Le coût du combustible stocké hors période de chauffe, n’est récupérable que le cout du combustible consommé (C. cass. 3e civ. 05/02/1992 n° 90-13153 : Bull. civ. III n° 38)
Les frais de location des citernes de gaz liquéfié (Question écrite JOAN, MASSON ; 14/01/1985 p 192 n° 55822)
Ascenseur
Les dépenses relatives à une ligne de téléalarme d'ascenseur (C. cass. 3e civ.-24 mars 2004. N° 01-14439, Ca Paris 6e ch. B, 14/06/2001; C. cass. 3° civ 30/06/2010 n° 09-15360)
Entretien des espaces verts
Les travaux importants tels que : réfection des massifs, remplacement d’arbres, élagage des arbres (C. cass. 3ème civ 23 mars 2004 N° 02-20933)
L’achat et les grosses réparations des appareils mécaniques : tondeuse, matériel d’arrosage…
La création de nouveaux espaces ;
Les frais d’achats de graines, de fleurs, de plants et de plantes de remplacement nécessaires à la réfection des massifs, plates-bandes ou haies.
Divers
Les frais d'entretien d'un groupe électrogène (C. cass. 3° civ. 30/11/2005, n° 04-14508)
Les dépenses de téléalarme et de télésurveillance (C. cass. 3° civ 24/03/2004, n°01-14439 – 3° civ 01/06/2005, n° 04-12137)
Antenne télévisuelle : Les locataires qui ont refusé d’être raccordés sont exclus du paiement d’une quote-part des dépenses engagées par le propriétaire (C. cass. 3° civ. 29/01/2002 n° 99-17042)
D- Régularisation et justification des charges récupérables
Selon l’article 23 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 « Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l'objet d'une régularisation au moins annuelle »
Paiement de la régularisation la loi ALUR a ajouté à l’article 23 que « Lorsque la régularisation des charges n'a pas été effectuée avant le terme de l'année civile suivant l'année de leur exigibilité, le paiement par le locataire est effectué par douzième, s'il en fait la demande ».
Toujours selon l’article 23 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 « Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires ».
Enfin ce même article 23 dispose que « Durant 6 mois à compter de l'envoi de ce décompte, les pièces justificatives sont tenues à la disposition des locataires ».
La justification des charges figurant sur le décompte ne peut donc que provenir de la production des pièces justificatives et notamment des factures, des contrats, des relevés des consommations etc …
En effet, selon une réponse ministérielle (Rép. min. n ° 30217, JO AN Q. 30 nov. et 18 nov. 1987, p. 6544.JOAN Q., 30 novembre 1987, p. 6544), les pièces justificatives sont toutes les pièces qui ont été utilisées pour la régularisation des charges : il peut s’agir des factures, des contrats de fourniture et d’exploitation en cours et de leurs avenants, des décomptes de quantités consommées et du prix unitaire de chacune des catégories de charges. C’est le bailleur et, dans les immeubles soumis au statut de la copropriété, le syndic qui doivent les tenir à la disposition des locataires.
Pour les copropriétaires bailleurs, le décompte des charges de la copropriété, s’il peut correspondre au décompte des charges par nature, celui-ci ne saurait être considéré comme « les pièces justificatives».
La jurisprudence est cependant réservée sur la présentation du décompte des charges de copropriété au titre des décomptes détaillé par nature de charges.
Elle considère en effet que si certains syndics de copropriété font apparaître sur les relevés des charges présentés pour l’approbation des comptes à l’assemblée du syndicat, les charges qui peuvent être récupérables sur les locataires, cela ne procède d’aucune obligation légale réglementaire ou même contractuelle. Cette mention n’est faite qu’a titre indicatif et n’engage pas la responsabilité de ces syndics.
De nombreuses Cours d’Appel (notamment : CA Paris, 14 déc. 2000 : Loyers et copr. 2001, comm. n° 88. - CA Versailles, 29 oct. 1999 : Gaz. Pal. 2001, 1, somm. p. 508. - CA Montpellier, 1re ch. B, 26 mars 1997) ont considéré que les comptes de gestion de la copropriété qui ont pour finalité de répartir les charges générales de copropriété et qui sont destinés aux assemblées générales de copropriété ne constituent pas des justificatifs au sens de l'article 23 de la loi 1989 et que la ventilation entre charges de propriété et charges locatives récupérable ne rentre pas dans la mission du syndic telle que définie à l’article 18 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965. C’est au bailleur d’effectuer cette ventilation et de rédiger le décompte détaillé par nature de charges.
Il faut aussi rappeler
- Que le décompte des charges de copropriété est produit avant toute approbation des comptes par l’assemblée qui peut le refuser en totalité ou partiellement, l’accepter avec réserves voire y imposer des modifications.
- Que la décision d’approbation des comptes par l’assemblée générale de la copropriété n’emporte pas approbation des décomptes individuels (CA Paris, 23e ch., sect. A, 6 mai 1998, no 96/00476), chaque copropriétaire conservant le droit de demander la correction des erreurs qu’il a pu relever dans son compte individuel (CA Paris, 8e ch., 30 mars 2000, no 1998/04668, CA Versailles, 4e ch., 27 nov. 2000, no 99/05733).
- Que le locataire n’est pas lié contractuellement au syndicat des copropriétaires et qu’en conséquence les décisions de l’assemblée de celui-ci lui sont inopposables au titre de l’article 1165 du code civil.
Concernant cette communication, toujours au titre des articles 1199 et 1200 du Code civil, le syndicat et le syndic n’ont aucune obligation envers le locataire. En revanche le propriétaire lié avec le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic, peut et doit intervenir auprès de celui-ci pour trouver les moyens de la communication prévue à l’article 23 de la loi du 6/07/1989.
Un nouvel article 9-1 et une modification de l’article 33 du décret 67-223 du 17 avril 1967 permettent, à partir du 1° avril 2016, à tout copropriétaire, donc aux copropriétaires bailleurs, d’obtenir du syndic et à leurs frais, la copie des pièces justificatives des charges
Quant à la nature des pièces justificatives que peut obtenir le copropriétaire, l’article 18-1 de la loi 65-557 du 10/07/1965 précise qu’il s’agit « notamment les factures, les contrats de fourniture et d'exploitation en cours et leurs avenants ainsi que la quantité consommée et le prix unitaire ou forfaitaire de chacune des catégories de charges ».
Vous trouverez dans deux autres articles :
L'annexe du décret commentée qui reprend poste par poste les jurisprudences applicables;
LES LITIGES, les éléments pour résoudre les litiges et faire valoir vos droits ain si que plusieurs modèles de lettres.