Cour de justice de l’Union européenne
COMMUNIQUE DE PRESSE n°119/13
Luxembourg, le 26 septembre 2013
Arrêt dans l'affaire C-509/11
Les voyageurs ont droit au remboursement partiel du prix de leur billet de train en cas de retard significatif, même si ce retard est dû à un cas de force majeure
Le transporteur ne peut invoquer les règles du droit international, qui l’exonèrent, en cas de force majeure, de la réparation du dommage causé par un retard, pour se soustraire à son obligation de remboursement
Le règlement sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires (1) prévoit que la responsabilité des entreprises ferroviaires en cas de retard est régie par les règles uniformes concernant le contrat de transport international ferroviaire des voyageurs et des bagages (2), sous réserve des dispositions du règlement applicables en la matière.
Conformément auxdites règles uniformes, lesquelles relèvent du droit international et sont reprises en annexe du règlement, le transporteur ferroviaire est responsable envers le voyageur du dommage résultant du fait que, en raison du retard, le voyage ne peut se poursuivre, ou que sa poursuite n’est pas raisonnablement exigible, le même jour.
Toutefois, la responsabilité du transporteur est exclue lorsque le retard est dû à la survenance d’un cas de force majeure, c’est-à-dire, notamment, à des circonstances extérieures à l’exploitation ferroviaire que le transporteur ne pouvait éviter.
Le règlement prévoit quant à lui qu’un voyageur confronté à un retard d’une heure ou plus peut demander à la compagnie ferroviaire le remboursement partiel du prix de son billet. Cette indemnisation est au minimum de 25 % du prix du billet en cas de retard d’une durée comprise entre 60 et 119 minutes et de 50 % de ce prix en cas de retard de 120 minutes ou plus. Le règlement ne prévoit aucune exception à ce droit à indemnisation lorsque le retard est dû à un cas de force majeure.
Dans ce contexte, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) demande à la Cour de justice si une entreprise ferroviaire peut être déchargée de son obligation d’indemnisation relative au prix du billet lorsque le retard est dû à un cas de force majeure. La Cour administrative doit statuer sur un recours introduit par la compagnie ferroviaire autrichienne ÖBB-Personenverkehr AG à l’encontre de la décision par laquelle la commission autrichienne de contrôle ferroviaire l’a contrainte à supprimer de ses conditions générales une disposition qui excluait toute indemnisation en cas de force majeure.
Dans son arrêt rendu ce jour, la Cour constate, tout d’abord, que le règlement lui-même n’exonère pas les entreprises ferroviaires de leur obligation d’indemnisation relative au prix du billet lorsque le retard est imputable à un cas de force majeure.
Ensuite, la Cour relève que les règles uniformes, qui déchargent le transporteur de son obligation de dédommagement en cas de force majeure, portent uniquement sur le droit des voyageurs à la réparation du dommage consécutif au retard ou à l’annulation d’un train. En revanche, l’indemnisation prévue par le règlement, calculée sur la base du prix du billet de transport, a une toute autre vocation, à savoir celle de compenser le prix payé par le voyageur en contrepartie d’un service non-exécuté conformément au contrat de transport. Il s’agit, en outre, d’une forme de compensation financière à caractère forfaitaire et standardisée, à la différence du régime de responsabilité prévu par les règles uniformes qui implique une évaluation individualisée du dommage subi. Par ailleurs, ces deux régimes de responsabilité étant tout à fait différents, les voyageurs, outre l’indemnisation forfaitaire, peuvent également intenter des actions en réparation au titre des règles uniformes.
Dans ces conditions, la Cour conclut que les causes d’exonération de la responsabilité du transporteur prévues par les règles uniformes ne sont pas applicables dans le cadre du système d’indemnisation établi par le règlement. À cet égard, la Cour souligne que les travaux préparatoires du règlement révèlent sans équivoque que le législateur de l’Union a voulu étendre l’obligation d’indemnisation aux cas où les transporteurs sont exonérés de leur responsabilité de réparation en vertu des règles uniformes.
La Cour rejette également l’application par analogie des règles relatives à la force majeure contenues dans les dispositions sur les droits des voyageurs empruntant d’autres moyens de transport, tels que l’avion, le bateau, l’autocar et l’autobus. En effet, les différents modes de transport n’étant pas, quant à leurs conditions d’utilisation, interchangeables, la situation des entreprises intervenant dans les différents secteurs du transport n’est pas comparable.
Dans ces circonstances, la Cour répond qu’une entreprise ferroviaire ne peut inclure dans ses conditions générales de transport une clause l’exonérant de son obligation d’indemnisation relative au prix du billet pour cause de retard, lorsque ce retard est imputable à un cas de force majeure.
1- Règlement (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires (JO L 315, p. 14).
2- Règles uniformes concernant le contrat de transport international ferroviaire des voyageurs et des bagages, faisant partie de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980, telle que modifiée par le protocole de Vilnius du 3 juin 1999.
Pour télécharger le texte intégral de l’arrêt Cliquer ICI