EXÉCUTION DES JUGEMENTS
Abréviations utilisées :
CPC = Code de procédure civile
CPCE = Code de procédures civiles d'exécution
Vous avez obtenu une condamnation de votre opposant. Celui-ci, comme vous, a reçu par courrier simple une copie du jugement.
D'une manière générale à compter du 01/01/2020, selon l'article 514 du CPC "Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement."
Néanmoins le juge peut sous certaines conditions en disposer autrement Articles 514-1 et suivants du CPC ou accorder un "délai de grace" (articles 510 et suivants du CPC)
Exécution spontanée :
Bien que votre opposant ait reçu une copie du jugement adressée par le greffe, ne croyez pas que celui-ci va se précipiter pour vous verser le montant de la condamnation. L’exécution volontaire (art 503 du CPC) peut arriver mais c’est rare.
Tentative d’exécution amiable
Vous pouvez dans un premier temps tenter une exécution amiable. Pour cela informez votre opposant par courrier de votre intention de faire exécuter le jugement par un huissier de justice et, qu’afin de ne pas ajouter aux condamnations des frais d’exécution, vous lui proposez de s’acquitter des condamnations dans un délai de 10 jours (par exemple). Vous pourrez adresser cette lettre au service juridique de votre opposant ou au service qui traitait votre litige.
Si votre adversaire était représenté par un avocat, il sera préférable d’adresser à celui-ci la lettre ci-dessous. En effet celui-ci sera tout à fait à même de faciliter cette exécution amiable pour réduire les frais que devra supporter son client.
Si votre opposant ne s’est pas manifesté à l’issue du délai, il va falloir se résoudre à une exécution forcée sans tarder.
Exécution forcée
Une décision de justice peut être exécutée pendant 10 ans à partir du prononcé du jugement (Voir ci-dessous le paragraphe Prescription).
Signification du jugement :
Le premier acte sera la signification du jugement c’est-à-dire porter officiellement à la connaissance de votre opposant qu’il a été condamné. Pour ce faire il vous faut vous adresser impérativement à un huissier territorialement compétent pour le domicile de votre opposant (exerçant dans le département ou réside votre opposant ou du siège social de l’entreprise) qui fera signifier le jugement à votre opposant par un clerc assermenté.
Pour ce faire, vous lui remettez « la grosse » c’est-à-dire la copie du jugement revêtue de la formule exécutoire et une provision pour les frais.
La remise à l’huissier de « la grosse » (copie du jugement revêtu de la formule exécutoire) vaut pouvoir pour tout acte d’exécution. (R141-1 du CPCE)
Bien que la quasi-totalité des frais d’exécution forcée soit à la charge du condamné, sauf dispositions contraires du jugement, l’huissier est en droit de vous demander une provision pour les frais inhérents à l’exécution forcée. Frais qui seront aussi recouvrés par l’huissier en sus du jugement, à l’exception de l’article 10 qui restera à votre charge.
La notification marque le point de départ du délai de recours en appel qui est de 1 mois, si celui-ci est possible.
Contrairement à une idée reçue il n’est pas nécessaire d’avoir reçu la signification d’un jugement pour pouvoir mettre en œuvre un recours et si un jugement n’a pas été notifié dans un délai de 2 ans la partie qui a comparu ne peut plus exercer de recours (art 528-1 du CPC)
Attention : le jugement rendu par défaut ou réputé contradictoire et susceptible d’appel doit être impérativement signifié dans les 6 mois de sa date, à défaut il serait caduc. Néanmoins il pourrait être à nouveau statué (Art 478 du CPC)
Ces mentions se trouvent sur la première page du jugement et au début du dispositif (qui commence par : PAR CES MOTIFS)
Un jugement est :
- en dernier ressort - S’il n’est pas susceptible d’appel, en revanche il peut faire l’objet d’un recours en Cassation.
- contradictoire – Si toutes les parties étaient présentes ou représentées à l’audience (Art 467 du CPC)
- réputé contradictoire - Si le défendeur bien que régulièrement convoqué était absent à l’audience (Art 473 du CPC)
- réputé contradictoire susceptible d’appel - Si le défendeur absent n’a pas été convoqué à personne et que le jugement est susceptible d’appel. (Art 473 du CPC)
- par défaut – Si le défendeur était absent, non convoqué à personne et que le jugement n’est pas susceptible d’appel. (Art 473 du CPC)
Exécution
Peu de condamnés s’exécutent spontanément au stade de la signification.
L’huissier, à la suite de la signification du jugement ou sur le même acte délivrera un commandement de payer (Article R 221-4 du CPCE) et faute de payement dans le délai de 8 jours (Articles L 142-3, R 221-1, R 221-3 et R 221-10 du CPCE) exécutera une saisie sur compte bancaire, sur salaire ou mobilière ou bien encore une autre des mesures possibles.
Mais « si dans un délai de deux ans qui suit le commandement de payer, aucun acte d’exécution n’est intervenu, les poursuites ne peuvent être engagées que sur un nouveau commandement. » (Article R 221-5 du CPCE)
Le commandement de payer porte « injonction de communiquer à l’huissier de justice du poursuivant, dans un délai de huit jours, les nom et adresse de son employeur et les références de ses comptes bancaires ou l’un de ces deux éléments seulement» (Article R 221-3 du CPCE).
Néanmoins pour connaître les coordonnées du débiteur condamné, celles de son employeur, son patrimoine et les comptes bancaires dont il dispose, l’huissier chargé de l’exécution peut saisir les administrations, entreprises, établissements publics ou organismes mentionnés aux articles L 152-1 et L 152-2 du CPCE ou, le cas échéant, les services désignés par eux ou le service central gestionnaire du fichier des comptes bancaires et assimilés (FICOBA) relevant du ministère chargé des finances. (Article R 152-1 du CPCE)
Les contestations et abus liés à exécution sont de la compétence du juge de l’exécution
Les frais d’exécution :
Les actes des huissiers : Notification, commandement, saisies sont soumis à des droits fixes selon l'article L 444-1 du code de commerce listés dansles articles A 444-11 et suivants du code de commerce
Il est aussi possible de consulter les articles A 444-10 à A 444-52 du Code de commerce
En outre il est prévu un droit d’engagement de poursuites (ancien droit proportionnel art 8 et 10), calculé sur le montant de la condamnation (Hors dépens) qui est appliqué en plus des émoluments pour les actes.
Soit
A la charge du débiteur (Art A 444-31 du Code de commerce)
de | 0.00 € | à | 125.00 € | 9.75% | Avec Minimum | 4.29 € |
---|---|---|---|---|---|---|
de | 125.00 € | à | 610.00 € | 6.34% | ||
de | 610.00 € | à | 1,525.00 € | 3.41% | ||
de | 1,525.00 € | à | au-delà | 0.29% | Avec maximum | 550.00 € |
A la charge du créancier (Art A 444-32 du Code de commerce)
de 0.00 € à 125.00 € 11.70% Avec Minimum 21.45 € de 125.00 € à 610.00 € 10.73% de 610.00 € à 1,525.00 € 10.24% de 1,525.00 € à 52,400.00 € 3.90% de 52,400.00 € à au dela 3.00% Avec Maximum 5,540.00 €
Si le débiteur est solvable il ne restera à la charge de celui qui fait exécuter que les droits de l'article A 444-32 du Code de commerce, à moins que le juge n’en ait décidé autrement.
En effet il résulte des dispositions de l’article R 631-4du code de la consommation que le juge peut mettre à la charge du professionnel l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L 111-8 du CPCE portant réforme des procédures civiles d’exécution et donc ces droits de l’article 10. Néanmoins malgré de nombreuses demandes en ce sens de nos adhérents, peu de juges n’ont, à ce jour, accédé à leurs demandes.
Attention : Les huissiers de justice doivent, avant de prêter leur ministère et pour les actes et formalités qui doivent être immédiatement diligentés, demander à la partie qui les requiert une provision suffisante pour couvrir leur rémunération et les débours correspondants comme en dispose l’article R 444-52 du code de commerce
Les huissiers de justice sont tenus de remettre aux parties un compte détaillé des sommes dont elles sont redevables. Ce compte doit faire ressortir distinctement et sans abréviations les rémunérations tarifées, les débours et frais de déplacement et les honoraires
Dépens
Même si le dispositif ne tranche pas sur celui qui aura la charge des dépens (liste art 695 du CPC) ceux-ci sont par défaut à la charge de la partie perdante (Art 696 du CPC) et les frais d’exécution sont à la charge du débiteur au titre du premier alinéa de l’article L 111-8 du CPCE
Intérêts légaux
L’huissier appliquera les intérêts moratoires au taux légal aux condamnations pécuniaires : principal, dommages et intérêts, article 700 et dépens à partir de la date du prononcé du jugement. (art 1231-7 du Code civil)
Le juge peut accorder les intérêts moratoires sur le principal à une autre date, si vous le demandez. Par exemple à la date de la mise en demeure.
Le taux de l’intérêt légal est fixé chaque année par arrêté pour l’année en cours. À partir de 2015 les taux sont fixés pour 6 mois et se divisent en 2 catégories Les derniers taux sont :
Periode Taux concerne Texte NOR 1° sem 2022 3.13% au profit du consommateur Arrêté du 26/12/2021 ECOT2138139A 2° sem 2021 3.12% au profit du consommateur Arrêté du 16/06/2021 ECOT2118539A 1° sem 2021 3.14% au profit du consommateur Arrêté du 06/12/2020 ECOT2036427A 2° sem 2020 3.11% au profit du consommateur Arrêté du 15/06/2020 ECOT2014510A 1° sem 2020 3.15% au profit du consommateur Arrêté du 23/12/2019 ECOT1936356A 2° sem 2019 3.26% au profit du consommateur Arrêté du 26/06/2019 ECOT1918289A 1° sem 2019 3.40% au profit du consommateur Arrete du 21/12/2018 ECOT1835139A 2° sem 2018 3.73% au profit du consommateur Arrete du 27/06/2018 ECOT1817171A 1° sem 2018 3.73% au profit du consommateur Arrete du 28/12/2017 ECOT1735567A 2° sem 2017 3.94% au profit du consommateur Arreté du 26/06/2017 ECOT1718314A 1° sem 2017 4.16% au profit du consommateur Arreté du 29/12/2016 ECFT1637966A 2° sem 2016 4.35% au profit du consommateur Arreté du 24/06/2016 FCPT1616058A 1° sem 2016 4.54% au profit du consommateur Arreté du 23/12/2015 FCPT1531412A 2° sem 2015 4.29% au profit du consommateur Arreté du 24/06/2015 FCPT1514399A
Deux mois après la notification du jugement le taux de l’intérêt légal est majoré de 5 points (article L313-3 du Code monétaire et financier)
Paiements partiels
Sauf s’ils sont ordonnés par le juge, le créancier n’est pas obligé de recevoir des paiements partiels d’une dette (C Civ art. 1342-4 et 1343-5) ou d’accorder un échéancier et les frais du paiement sont à la charge du débiteur (C civ art. 1342-7), notamment les frais d’huissier.
Attention Les paiements partiels, sauf décision contraire du juge, ou accord du créancier s’imputent dans l’ordre sur
- Les frais de justice comme les dépens
- Les frais de recouvrement et débours de l’huissier
- Les intérêts (Art 1343-1 du Code civil)
- La condamnation
Cela réduit d’autant le remboursement du principal.
Cette forme d'imputation est confirmée par la jurisprudence, par exemple celle de la CA Aix-en-Provence, 15° ch A, 4 mars 2016, n° 2016/211, rôle n° 14/14142 que :
« l’imputation par la SCP d’ huissiers de justice, du payement effectué sur les frais, puis les intérêts puis le capital ne peut faire grief »
« les frais de recouvrement d’une créance constituent des accessoires de la dette ; le débiteur ne peut, sans le consentement du créancier, imputer les paiements qu’il fait sur le capital par préférence à ces accessoires.( Cour de Cassation, Chambre civile 1re , du 7 février 1995, X). »
« Les frais de signification sont des dépens de l’article 695 du Code de procédure civile. »
« Par application de l’article L111-8 du Code des procédures civiles d’exécution les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.»
Prescription
Concernant la prescription du titre exécutoire consulter l'article : Le titre exécutoire